FATIMATOU ZAHRA DIOP (BCEAO SENEGAL) : “Plus de 20 milliards FCFA par an pour entretenir les billets…”
Par REUSSIR Pour un panorama plus complet du
paysage bancaire sénégalais, REUSSIR a requis l’éclairage du patron des
patrons de banques évoluant au Sénégal. Mme Fatimatou Zahra Diop, la
première femme à la tête d’une Direction Nationale de la BCEAO, analyse
les évolutions du secteur financier et se prononce sur les grandes
questions de l’heure. Je peux dire que le secteur bancaire et
financier sénégalais a connu de grands développements au cours de la
dernière décennie. Il s’est notamment diversifié, tant en nombre que de
par sa structure et comprend, à fin août 2009, 17 banques et 3
établissements financiers avec un réseau de 233 agences. En sus des
réseaux bancaires qui se sont développés, les institutions de micro
finance ont aussi beaucoup évolué, passant de 121 unités en 2000 à 896
unités en 2007. En effet, jusqu’à une période récente, le secteur ne
comportait, pour l’essentiel, que quelques grandes banques classiques à
capitaux français. Aujourd’hui, les institutions bancaires et
financières qui le composent vont de la structure de microfinance à la
très grande banque fusionnée. Vraiment, le paysage financier s’est
beaucoup enrichi au cours de ces dix dernières années. Ainsi, il
existe, à côté de plusieurs banques classiques, des banques
spécialisées dans le financement de l’agriculture, de l’habitat ou de
type islamique et une banque de marchés. Le secteur a également connu
une certaine maturité puisqu’il compte actuellement 7 établissements
bancaires de grande taille (total bilan supérieur à 100 Mds FCFA), 2 de
taille moyenne (total bilan compris entre 50 et 100 Mds) et 6 de petite
taille (total bilan inférieur à 50 Mds). De même, la géographie du
capital des établissements s’est sensiblement modifiée, avec
l’installation de banques à capitaux sénégalais et africains. Ainsi, le taux de bancarisation élargi
(banques et institutions de microfinance comprises), encore faible, se
renforce graduellement et s’établit à 12,3% en 2007. D’un point de vue institutionnel, de
nombreuses initiatives, visant à rendre plus moderne, plus accessible
et plus profond notre secteur financier, ont été prises par la Banque
Centrale, depuis la restructuration bancaire de la fin des années 80. Cette préoccupation d’avoir un système
bancaire et financier mûr qui fonctionne selon les normes
internationales a été prise en charge à travers notamment la création
de la Commission bancaire et la mise en place d’un dispositif
réglementaire qui l’accompagne. La loi bancaire, bien sûr, a évolué
sous certains aspects de même que le dispositif prudentiel. Ainsi, tous
établissements de crédit sont assujettis à certaines conditions,
notamment au respect des normes de liquidité, de solvabilité, de
couverture de risques qui permettent de s’assurer que leurs
interventions se font dans les meilleures conditions, sans préjudice
pour la stabilité financière. Également, afin de garantir la
disponibilité d’une information financière de qualité, la BCEAO a été à
l’origine de l’adoption et l’entrée en vigueur d’un Plan comptable
bancaire et d’un référentiel comptable Syscoa, uniformes à l’échelle de
l’Uemoa. Il convient de relever en outre la création de la Bourse
Régionale des Valeurs Mobilières (Brvm), qui permet de faciliter un
financement non bancaire et élargi des activités économiques, à travers
le développement du marché financier. Je crois que, là aussi, c’est un
pas significatif qui a contribué à développer le secteur financier. Par ailleurs, la libéralisation des
instruments de la politique monétaire, amorcée au début des années 90,
repose sur une régulation indirecte de la liquidité dans l’économie
avec la possibilité, pour la Banque Centrale, d’agir, à travers les
taux d’intérêts, le systèmes des réserve obligatoires, les injections
ou les ponctions de liquidités sur le marché bancaire. On peut dire donc aujourd’hui, qu’au
Sénégal, le secteur bancaire et financier est en expansion, ce qui est
corroboré par son attractivité à travers la création d’un certain
nombre de nouveaux établissements. A première vue, il
semble qu’il y ait trop de banques au Sénégal alors que le taux de
bancarisation reste encore faible. Comment analysez-vous ce contraste,
si contraste il y a ? La question que vous évoquez pose le
problème du nombre optimal de banques dans une économie. Elle a fait
l’objet de controverses entre professionnels du secteur, économistes ou
observateurs. Pour parler du cas particulier du Sénégal, il importe de
relativiser l’affirmation selon laquelle il y aurait trop de banques,
au regard justement du niveau de bancarisation de l’économie mais
également et surtout de la faible couverture géographique du réseau
bancaire. A mon sens, on ne peut pas vraiment pas
affirmer qu’il y ait trop de banques, si l’on part du principe que la
concurrence est saine, par essence. Auparavant, on avait quelques
grandes banques qui dominaient le marché, qui intervenaient autour de
la Place de l’Indépendance, n’avaient pas ou peu d’implantation dans le
pays et étaient donc peu accessibles à la grande majorité de la
population. Depuis 5 à un peu moins de 10 ans, on voit un formidable
développement des installations de banque. L’intérêt, en tous cas tel
que nous le percevons, c’est que cela facilite l’accessibilité, pour
les populations, aux services bancaires et financiers. Le renforcement
du réseau bancaire permet permet donc de développer la bancarisation de
nos économies et contribue ainsi à apporter une réponse au besoin
d’intégrer le secteur informel à l’économie moderne. Vous vous rendez
compte que c’est seulement, ces dernières années, qu’il existe des
agences bancaires ou de SFD dans des zones comme Pikine, Guédiawaye ou
des localités telles que Kolda ! Avant, vous aviez la majorité de la
population, géographiquement parlant, qui n’était pas couverte par le
réseau de bancaire. Aujourd’hui, il y a un mouvement
bénéfique parce que permettant de diversifier le service offert à la
clientèle. Et la concurrence aidant, il permet de réduire les coûts
d’accès. D’ailleurs, les progrès réalisés par le
Sénégal en matière bancarisation sont à lier en partie à ce dynamisme
observé dans le rythme d’implantation de nouvelles banques. En tout
état de cause, cette évolution ne semble pas jusqu’à présent constituer
une menace au regard du profil affiché par le secteur en terme de
rentabilité mais également au vu de la capacité des nouveaux
établissements à atteindre au bout de quelques années leur point mort.
Jusqu’à présent, au contraire, les bénéfices nets des banques se sont
fortement accrus. Donc, si ce n’était pas rentable et s’il n’y avait
pas de place pour ces nouvelles banques, elles n’auraient pas
enregistré de tels résultats. Aussi, est-il permis de croire qu’un
accroissement du nombre de banques contribue à améliorer la qualité des
services bancaires, à la faveur d’une concurrence accrue et saine, tant
du point de vue de l’innovation et la diversification dans les produits
offerts, que du coût du crédit et du relèvement de l’offre de crédit. Bien entendu, les autorités monétaires
et de tutelle se doivent de veiller strictement au respect par les
banques des règles régissant le secteur pour maintenir et renforcer la
stabilité du système. Il revient à la Banque Centrale et à la
Commission Bancaire d’assurer la stricte supervision des établissements
de crédit afin que ceux-ci opèrent dans les conditions de solvabilité,
de rentabilité et de liquidité, qui préservent les dépôts du public.
C’est à cela que s’attache la BCEAO. Il me paraît cependant opportun de
souligner une autre tendance parallèle à celle que l’on vient d’évoquer
et non moins importante, il s’agit du mouvement de fusion- absorption
auquel on assiste dans le secteur bancaire. Ainsi, plusieurs banques se
sont regroupées dans la dernière période et c’est une évolution qui
mérite notre attention. Au total, on se retrouve dans un
processus où, d’un côté, il y a plus de banques répondant à une plus
grande variété des besoins du consommateur et, de l’autre, on assiste à
un regroupement se traduisant par la construction de grands et solides
ensembles. Je pense que cette évolution va se poursuivre et que ne se
maintiendront que les banques viables. Celles qui ne le seront pas
seront certainement absorbées. Mais, je crois qu’il y a encore de la
place pour de nouvelles banques… La place de Dakar,
pour ne pas dire de l’Uemoa, semble très attractive pour l’implantation
des banques originaires hors de la Zone, la concurrence s’en suivant,
est-ce que toutes ces banques respectent les réglementations en
vigueur ? Au cours des cinq dernières années, le
système bancaire sénégalais a enregistré une augmentation sensible du
nombre d’établissements de crédit (banques et établissements
financiers), qui est passé de 14 en 2004 à 20 à fin août 2009. Cette
évolution, qui s’est amorcée au milieu des années 1990, à la suite des
réformes entreprises par les Autorités monétaires (libéralisation du
secteur, privatisation des banques nationales, dérogation pour les
expatriés, etc.) en réponse à la crise bancaire à laquelle la zone a
été confrontée durant les années 1980, a été impulsée au cours de ces
dernières années par trois facteurs principaux. D’abord, la relative rentabilité de
l’activité bancaire dans la zone, comme l’atteste le résultat net des
établissements. Ensuite, l’existence d’une épargne à faible coût, en
liaison avec la relative maîtrise de l’inflation dans l’Union. Enfin,
le niveau relativement faible du capital minimum exigé jusque là pour
la création d’un établissement de crédit dans l’UMOA . A ces principaux facteurs, il y a lieu
d’ajouter, au plan interne, la convertibilité du franc CFA et son
arrimage à l’euro qui lui confère une certaine stabilité. Au niveau
externe, l’abondance de liquidité des banques des pays producteurs de
pétrole, notamment du Nigeria et de la Libye, en relation avec
l’envolée des cours du pétrole ces dernières années, a été également un
facteur d’incitation à la conquête de nouveaux marchés. Par ailleurs, le Sénégal a bénéficié au
cours ces dernières années d’une stabilité politique et d’une
croissance économique soutenue, en particulier sur la période 1994-2005. Au total, sur les 20 établissements de
crédit, 8 unités, soit plus du tiers (40%) des établissements ont été
créées après 1999. Ces nouvelles unités appartiennent, pour la plupart,
à des groupes bancaires étrangers qui sont au nombre de 11 en activité
à ce jour au Sénégal. L’un des traits caractéristiques des
évolutions observées est la diversification des pays d’origine des
maisons- mères des banques au Sénégal, historiquement dominées par les
groupes français. La nouvelle cartographie de l’actionnariat du système
bancaire distingue essentiellement trois pôles. A savoir les capitaux
étrangers historiques provenant de l’Occident (7 groupes) dont
notamment la France, les capitaux provenant des pays arabes (4 groupes)
et les capitaux de l’Afrique subsaharienne (9 groupes). D’une manière générale, il y a lieu de
relever que l’offensive des groupes bancaires étrangers, au-delà des
frontières de leurs pays d’origine, ne concerne pas spécifiquement le
Sénégal. Ce phénomène est également observé dans les autres régions en
développement et dans les pays émergents. Ainsi, sur 33 banques que
comptaient la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale
(CEMAC) en 2005, 25 étaient contrôlées par des groupes étrangers, soit
75,8%. En tout état de cause, la Banque
Centrale, en étroite collaboration avec la Commission Bancaire, veille
au respect par les établissements de crédit de l’ensemble des
dispositions réglementaires. Les opérateurs
économiques se plaignent de la frilosité des banques commerciales et de
la cherté du crédit. En tant qu’Autorité de banque, que faire pour
réconcilier le Partenariat Banque/ Secteur privé ? Le marché du crédit comporte des
limites dans la mesure où les agents économiques affichent encore
d’importants besoins non satisfaits. Il convient toutefois de
distinguer les besoins de la grande entreprise nécessitant des produits
financiers de court, moyen ou long termes de ceux de la PME auxquels
correspondent des produits à échéance encore plus longue. La frilosité des banques vis-à-vis des
opérateurs économiques et des secteurs non structurés semble
compréhensible. Aussi, pour renforcer le Partenariat Banque – Secteur
privé, les autorités monétaires et de tutelle ont-elles initié en 2003
des séries de concertations nationales sur le crédit dans les
différents pays de l’Union, afin d’améliorer la contribution du système
bancaire au financement des activités économiques. La participation de
l’ensemble des acteurs concernés (Banques et établissements financiers,
Institutions de microfinance, Patronat, Autorités de tutelle et
bailleurs de fonds) a permis de mettre en place un Programme d’actions
en cours d’exécution. Par ailleurs, au cours de la rencontre
entre la BCEAO et les Directeurs Généraux des banques et établissements
financiers de l’Union, tenue le 1er juillet 2009 à Bamako, les
recommandations ci-après ont été formulées en vue de lever contraintes
qui pèsent sur le financement des économies de l’Union : • l’identification des contraintes :
environnement juridique et judiciaire, questions de garantie,
adéquation des ressources des banques aux besoins des économies,
absence ou le manque de fiabilité des états financiers et inexistence
de structures d’appui aux PME/PMI ainsi que le manque d’incitations en
faveur du capital investissement. • les propositions en faveur de la
promotion des PME (centres de métiers, chambres de métiers, structures
d’encadrement, fonds de garantie des PME, caisse, de caution mutuelle,
fonds d’investissement pour les PME) ; • la nécessité de rechercher les
sources alternatives de financement des économies à travers notamment
la création de fonds d’investissement et de fonds de pension. Il y a deux
décennies, le secteur bancaire sénégalais était plongé dans une grave
crise structurelle. Aujourd’hui, est-ce qu’on peut dire que le secteur
est bien assaini et qu’il n’y a plus de risques de ce genre ? A la fin des années 80, le système
bancaire au Sénégal et plus globalement celui de toute l’UMOA, a connu
une grave crise. Face à cette situation, le gouvernement du Sénégal, en
rapport avec ses partenaires au développement (Banque Mondiale, France,
États-Unis) et la BCEAO, avait initié un plan d’assainissement et de
restructuration du système bancaire. Le succès de cette entreprise a permis
de restaurer la viabilité du secteur bancaire qui affiche depuis lors
d’importants excédents de trésorerie. De nouvelles initiatives ont ainsi été
prises par la BCEAO pour améliorer le cadre d’exercice des activités
bancaires, se traduisant par le renforcement de la supervision bancaire
avec notamment la création d’une Commission bancaire supranationale et
indépendante ainsi que la mise en place du SYSCOA, du Plan Comptable
Bancaire (PCB), de la Centrale des Incidents de Paiement (CIP), de la
Centrale des Bilans, de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières
(BRVM) et des nouveaux systèmes de paiements. En particulier, la réforme des systèmes
de paiement a permis la mise en place d’une solide infrastructure du
secteur financier, à travers : — un système sous-régional de règlement brut en temps réel pour les virements interbancaires de gros montants ou urgents ; — des systèmes interbancaires
nationaux et un système sous-régional de compensation automatisée pour
les paiements de masse traitant notamment les chèques, virements de
petit montant et effets de commerce ; — un système interbancaire de paiement
par cartes à l’échelle de l’Union géré par les établissements de crédit
dont la réglementation est assurée par le GIM-UEMOA et le rôle
d’opérateur technique par le CTMI-UEMOA. La préservation de la stabilité du
système financier constitue une préoccupation majeure pour les
autorités de tutelle qui ont décidé, lors de la session du Conseil des
Ministres de l’UMOA en date du 17 septembre 2007, du relèvement du
capital social minimum applicable aux banques et établissements
financiers de l’Union. Cette décision vise à renforcer la solvabilité
des établissements de crédit de l’Union et leur capacité à intervenir
de manière optimale dans le financement des économies de l’Union. L’évolution du paysage bancaire de
l’UMOA nécessite bien évidemment une surveillance accrue et permanente
de la part des autorités monétaires de l’Union mais également un
renforcement de la coopération avec les superviseurs dont relèvent les
groupes transfrontaliers contrôlant certains établissements installés
dans notre pays. Cette surveillance s’effectuera sans préjudice de
l’appréciation rigoureuse des dispositifs de contrôle interne adoptés
par chaque banque et établissement financier. En résumé, il convient de souligner que
la situation des banques, relativement aux indicateurs de solidité
financière du système bancaire, demeure globalement satisfaisante,
l’activité et la rentabilité des établissements de crédit s’étant
confortées ces dernières années. Après avoir été
épargné des effets de la crise financière internationale, le secteur
bancaire sénégalais a beaucoup souffert de la morosité de l’activité
économique. Est-ce que vous percevez quelques lueurs de reprise ? Et
pour quand ? L’environnement économique et financier
a été marqué en 2008 par la succession d’une série de chocs, notamment
la hausse des cours mondiaux du pétrole et des produits alimentaires
ainsi que l’intensification de la crise financière. L’activité
économique au Sénégal s’est ressentie de cet environnement difficile,
accentué par les tensions de trésorerie de l’État. Ainsi, comme tous
les autres secteurs, les banques ont souffert de la morosité de
l’activité économique caractérisée par une dégradation des indicateurs
de conjoncture. Aussi, les Autorités de la BCEAO
ont-elles décidé, à l’instar de la plupart des banques centrales,
d’agir en vue de soutenir la croissance. Ainsi, en vue de permettre aux
banques de disposer de liquidités suffisantes, l’Institut d’émission a
pris des dispositions relatives à leur accès à ses ressources à de
meilleures conditions, à travers notamment des opérations régulières
d’adjudications d’injection de liquidités sur le marché monétaire. Outre ces mesures, au regard du
contexte et dans le souci de favoriser un environnement propice à une
croissance plus forte des économies de l’Union, la BCEAO a décidé
d’adopter en juin 2009 une politique monétaire plus accommodante
marquée par un dé-serrement des conditions monétaires relatives aux
taux directeurs et coefficients de réserves obligatoires applicables
aux établissements de crédit. Ainsi, le taux de pension est ramené de
4,75% à 4,25% et le taux d’escompte de 6,75% à 6,25%. Concernant les coefficients de réserves
obligatoires, ils passent de 15% à 9% pour le Bénin, de 9 % à 7 % pour
le Mali, le Niger et le Sénégal. Les coefficients des autres États
restent inchangés : 7% pour le Burkina, 5% pour la Côte d’Ivoire et 3%
pour la Guinée-Bissau et le Togo. Comment appréciez-vous la manière dont les Sénégalais manipulent et conservent les billets de banque ? Votre question est à la fois pertinente
et opportune. Car, comme vous le savez, le public en général a tendance
à maltraiter le billet de banque en le manipulant dans les transactions
commerciales et dans la vie sociale quotidienne. Au
marché, chez le boutiquier ou le vendeur de charbon du coin, le billet
est souvent froissé, tâché, humidifié, etc. Tout cela parce que, dans
l’entendement des populations, le billet a de la valeur quelque soit
son état. Ainsi, un geste automatique consiste, pour la plupart d’entre
nous à écraser dans sa main un billet avant de le donner en cadeau à
quelqu’un, en voulant faire preuve de discrétion. Ce faisant, on ne
songe pas au coût de production et d’entretien du billet. Eh bien,
imaginez-vous que ce coût constitue le principal poste budgétaire de la
Banque Centrale, soit plus de 20 milliards Fcfa par an à l’échelle de
l’UMOA. Ce sont ainsi d’importantes ressources financières, appartenant
à toute la communauté, qui sont dépensées pour fabriquer et entretenir
le billet de banque. Regardez à contrario avec quel soin les
gens manipulent l’argent dans d’autres pays développés où les gens
utilisent des portefeuilles ou rangent leurs billets soigneusement dans
leurs poches. A cet égard, une utilisation accrue des moyens de
paiement scripturaux et une réduction de la manipulation des espèces
dans nos transactions quotidiennes constituent des objectifs que la
BCEAO s’est fixés, en concertation avec les États et les établissements
de crédit,
En résumé donc, l’appel que je voudrais lancer, c’est que nous
accordions plus de soin aux billets de banque et aux pièces, à la
mesure de la valeur que ces espèces représentent pour leur détenteur. Une question
personnelle. En tant que première femme sénégalaise à diriger l’Agence
nationale de la BCEAO, quel sentiment ressentez-vous et comment
faites-vous, en interne, pour relever ce challenge ? Je tiens d’abord à préciser qu’il
s’agit de la Direction Nationale de la BCEAO pour le Sénégal et non de
l’Agence Nationale. En effet, dans chaque pays de l’UMOA, il existe une
Direction Nationale de la BCEAO qui a sous son autorité l’Agence
Principale, dans la capitale et, les Agences Auxiliaires, se trouvant
dans les localités, à Kaolack et Ziguinchor pour le cas du Sénégal. Pour revenir à votre question, j’avoue
que je ne me la suis pas vraiment posée jusqu’à maintenant en ces
termes ! Maintenant, s’il s’agit de savoir à quel point le fait d’être
une femme a une influence sur l’exercice de mes responsabilités, pour
ce qui est de la BCEAO, il faut préciser que ses règles et principes de
fonctionnement, interdisent toute forme de discrimination fondée sur le
genre. Par ailleurs, mon expérience professionnelle au siège de la
BCEAO m’ayant déjà exposée à un poste de direction depuis plusieurs
années, je ne me sens pas trop dépaysée. Il reste, bien entendu, qu’il est impossible de faire fi de certaines survivances culturelles ou sociologiques. Elles
se posent, à nous femmes, de manière quotidienne dans tous les domaines
et il faut y faire face en permanence. « On ne naît pas femme, on le
devient », disait l’autre ! C’est donc un exercice auquel je me suis
habituée.
Il s’y ajoute, cependant, que le fait d’être la
première femme dans les huit États membres de l’UMOA à être nommée au
poste de Directeur National m’impose, à titre personnel et en
considération de tout le personnel féminin de la BCEAO, de réussir la
mission qui m’a été confiée. Cela dit, je pense y parvenir à travers
une démarche « managériale » qui implique et responsabilise tout le
personnel, tout en se fondant sur les principes de rigueur et d’équité.
C’est donc, dans une action collective que nous sommes - toutes et tous
- également engagés, une action qui peut parfois s’avérer difficile
mais qui certainement est exaltante. C’est donc un défi à relever dont je perçois en toute humilité l’importance des responsabilités qu’elle met en jeu.