Entretien avec Mark Schreiner, Consultant, spécialiste en scoring
Article lu sur alamana.org Le scoring est un outil de notation qui permet de
prédire le comportement de remboursement d’un client, bénéficiaire d’un
crédit, sur la base de la connaissance du passé. Mark Schreiner,
spécialiste des risques en microfinance et des outils de scoring, est
consultant auprès du cabinet «Microfinance Risk Management », cabinet
désigné, par voie d’appel d’offre, pour mener une étude d’analyse des
risques crédits sur le portefeuille d’Al Amana et d’étudier la
faisabilité de la mise en place d’un outil de prédiction de la
défaillance. En marge de sa mission à Al Amana, Mark Schreiner a répondu
aux questions de l’équipe de rédaction de Amanews sur l’usage et les
limites de cet outil et les préalables requis pour son implémentation et
pour sa réussite.
1.Qu’est ce que le scoring et quelles applications à la microfinance ?
Le scoring que l’on peut traduire en français par notation, est un outil
qui permet de prédire le risque à partir des liens historiques entre le
risque et certaines caractéristiques. Ces caractéristiques peuvent être
liées à l’emprunteur (son âge, son activité, son revenu), au prêt
(type, montant, durée, périodicité de remboursement) ou au prêteur (sa
localisation, son ancienneté, son état matrimonial, son expérience…). La
notation part du principe que les cas approuvés aujourd’hui, se
comporteront comme des cas historiques avec des caractéristiques
semblables : Exemple, si historiquement 10% des tailleurs traditionnels
avaient des arriérés de paiement supérieurs à 30jours, la prévision du
risque pour un prêt accordé aujourd’hui à un tailleur traditionnel est
de 10%. La notation est largement utilisée dans les établissements de
crédit, notamment par les banques et les sociétés de financement.
Certaines institutions de microfinance, confrontées à des montées des
incidents de paiement, ont intégré la notation dans leur processus
d’octroi de prêt, pour renforcer la capacité des gestionnaires et des
opérationnels dans l’évaluation du risque en amont et pour ajuster leur
offre et optimiser les processus, notamment en terme de suivi des prêts.
Lors de la validation d’un dossier de prêt par le Comité de crédit, il
faut prendre en compte les risques prédits par le scoring, pour décider
soit de rejeter les prêts aux clients identifiés comme hautement
risqués, soit modifier les contrats de crédit pour ceux avec risques
moyen. Il faut souligner que le scoring ne prend pas de décision, c’est
plutôt un outil d’aide à la décision.
2. Pourriez-vous nous définir le contexte du scoring, est ce la nouvelle révolution du microcrédit ?
Le scoring ne suffit pas à lui seul et ne peut en cas remplacer
l’approche d’évaluation actuelle basée sur le contact direct, les
enquêtes de moralité, et les visites des évaluations chez les clients.
C’est une forme d’amélioration du processus d’évaluation. La notation ne
remplace pas les agents de prêt ni les groupes solidaires ; c’est un
outil supplémentaire, une troisième voix à la commission de crédit,
c’est une approche statistique qui se base sur la modélisation d’un
comportement de remboursement par rapport à un certain nombre de
variables. La qualité de la prédiction dépend de la qualité des données
et leur stabilité. D’après nos expériences, le scoring, s’il est bien
élaboré et bien implémenté au sein des IMF, il permet de réduire
considérablement le nombre des clients défaillants et augmenter la
qualité du PF entre 4 et 10%. C’est une manière de réduire les risques
de défaillance des clients, de contrôler la qualité du portefeuille et
de faire une sélection des clients plus adéquate. La finance est une
question de gestion du risque, et la notation facilite la gestion du
risque.
3. Existe-il différents types de scoring ?
Il existe un scoring général basé sur les conclusions générales
relatives aux relations entre les indicateurs du client, son activité
et le risque sans tenir compte du contexte de l’institution. Il y a
également un scoring spécialisé basé sur l’expérience et la base de
données de l’institution, ce scoring donne un pouvoir prédictif meilleur
que le scoring général.
4. Les systèmes de scoring ont-ils des limites?
Comme tout outil, le scoring a des avantages et des limites.
Comme principal avantage, le scoring renforce une culture de gestion du
risque explicite et consciente, détecte les changements de profil de
risque du portefeuille avant que la crise ne survienne. Comme limite, il
n’intègre pas les éléments subjectifs tels que la moralité des clients.
Il suppose que l’information saisie dans la base de données soit
correcte mais cela peut ne pas être le cas.
5. Quelles sont, selon vous, les conditions d’une bonne réussite du scoring ?
Une première condition c’est le processus d’évaluation
traditionnel qui doit être bon et maîtrisé sinon le scoring ne pourra
pas l’améliorer. La deuxième condition, l’institution doit posséder une
base de données suffisante et fiable. Il faut aussi que l’institution,
particulièrement les agents de crédit, y croient, acceptent d’utiliser
le scoring et se familiarisent avec l’outil.