Tchad : Bancarisation, le calvaire des fonctionnaires
Victoria Rémadji sur lavoixdutchad
Depuis
la “décision précipitée” du gouvernement de bancariser les salaires des
fonctionnaires, ces derniers tirent le diable par la queue. “Nous
sommes le 8 août 2009, plus d’une semaine après la fin du mois de
juillet. Et jusque-là, la plupart des enseignants n’ont pas encore
perçu leurs salaires”, se lamente Assem Béyo, enseignant au Lycée Félix
Eboué de N’Djaména. Comme lui, beaucoup d’autres agents de l’Etat
rencontrent les mêmes problèmes. Les salaires tardent à être virés dans
leurs comptes bancaires. Par Viactora Rémadji, journaliste de la Voix.
A quoi cela est-il dû ?
Du côté du ministère des Finances, on affiche une sérénité : “Nos
agents établissent les états de paiement à temps. C’est au trésor
d’envoyer ces états accompagnés des liquidités à toutes les banques.”
L’argument soutenu par les responsables des banques est quasi
identique. Pour eux, le trésor envoie dès le 20 du mois, les états de
paiement de salaire. Problème, il n’ y a pas de liquidité. Il devient
donc impossible de virer les salaires dans le compte des clients.
Entre-temps, les principales victimes (les fonctionnaires) n’ont que
leurs yeux pour pleurer.
La précipitation
Lors d’une déclaration radio télévisée à la fin de l’année 2008, le
Premier ministre, Youssouf Saleh Abbas, avait annoncé que le paiement
des salaires ne se fera plus au “billetage”. Un délai de trois mois a
été accordé aux fonctionnaires qui n’ont pas encore de compte bancaire,
d’en ouvrir un. Conséquence, les institutions bancaires de la place,
habituées à un nombre limité de clients, se sont vu envahies par les
fonctionnaires. Ce qui crée la saturation. “Des fois, les
fonctionnaires sont obligés de passer toute la journée avant de pouvoir
retirer leur argent”, confie un guichetier du centre des chèques
postaux (CCP). “Dès que le salaire passe, je me réveille à 4h du matin
pour me rendre à la banque, espérerant être servi un peu tôt”, révèle
un fonctionnaire.
Pour beaucoup, cette décision de faire payer les fonctionnaires, par
virement bancaire est a priori une bonne chose au moment où le
monde se modernise de plus en plus. La plupart des fonctionnaires
estiment que le gouvernement aurait dû les sensibiliser sur
l’importance de ce mode de paiement, avant de les bancariser. Un cadre
d’une banque de la place regrette que les banques n’aient pas été
préparées. Pour lui, les banques auraient dû être associées. Elles
auraient pris des dispositions pratiques, afin de faire face à cet
afflux de clients, notamment en renforçant l’opérationnalité de leurs
agents, ou en améliorant leurs prestations. Ce qui n’est pas encore le
cas.
Arnaud Djikoloum, cadre au ministère de l’Education nationale,
s’insurge contre le traitement qui est infligé aux fonctionnaires :
“C’est notre sueur. Mais on nous humilie souvent avant de nous payer.
Ce n’est pas normal.”
Comme si cela ne suffisait pas, certains fonctionnaires ont vu leurs
salaires virés dans des comptes bancaires appartenant à d’autres
fonctionnaires. Ce désordre, d’après les témoignages, est dû au fait
que le système de traitement de salaire n’est pas informatisé.
A la Direction de la solde, on décline toute responsabilité dans ce
dysfonctionnement. “Dès le 6 du mois, on traite les états de salaire
que nous envoyons au trésor qui se charge de la suite”, explique Djimet
Gah, le chef de service adjoint de liquidation et mandatement à la
direction de la solde. Selon lui, “s’il ya un retard dans le paiement,
les raisons doivent être recherchées ailleurs”.
Face à ces désagréments, les fonctionnaires qui ne vivent que de leur
salaire, sont désemparés. Certains d’entre eux sont obligés de
s’endetter en attendant que le salaire ne “tombe”. Ceux d’entre eux
qui n’ont pas cette chance, n’ont pas le choix. Ils endurent cette
“traversée du désert”, jusqu’à ce que le virement soit effectif, même
si cela peut durer plus de dix jours.
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Remarque personnelle: A défaut d'information contradictoire, je ne peux ni confirmer, ni infirmer les désagréments indiqués dans cet article par rapport à la bancarisation "à marche forcée" au Tchad. J'espère tout simplement que les insuffisances qui pourraient être relevées dans la mise en œuvre de cette mesure du gouvernement tchadien que je trouve salutaire pourront être corrigées le plus vite possible. Le gouvernement béninois avait eu la même vision en août 2006 mais hélas; les menaces de grève des centrales syndicales farouchement opposées à la mesure n'en ont pas permise la concrétisation. J'ai espoir que cela se fera.