Interview de Monsieur le Gouverneur à l'occasion de l'entrée en vigueur de la Réforme Institutionnelle de l'UMOA et de la BCEAO
Monsieur le Gouverneur, le Président de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UEMOA a annoncé l'entrée en vigueur de la réforme institutionnelle de l'UMOA et de la BCEAO. Pourriez-vous nous situer la portée de cette réforme ?
Je voudrais tout d'abord, remercier les Hautes Autorités des Etats
membres de l'Union, qui ont pris toutes les dispositions pour la
ratification des textes de base de la réforme.
La réforme institutionnelle, dont l'entrée en vigueur a été
solennellement annoncée par Son Excellence, Monsieur Amadou Toumani
TOURE, Président de la République du Mali, Président en exercice de la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, vise à moderniser le
cadre institutionnel de l'UMOA et de la BCEAO en vigueur depuis 1973.
Elle prend en compte les modifications intervenues dans les conditions
d'exercice de l'activité des banques centrales dans le monde et les
mutations de l'environnement régional et international.
Plus précisément, cette réforme vise à adapter l'architecture
institutionnelle de la BCEAO et de l'UMOA aux évolutions intervenues
dans les missions des banques centrales. Elle a également pour objectif
de renforcer l'efficacité de la politique monétaire, créant ainsi les
conditions d'un meilleur financement des économies de l'Union. Enfin,
elle consolide la stabilité du système bancaire et financier dans notre
zone. La BCEAO se trouve ainsi dotée de moyens d'action et d'instruments
adéquats pour la conduite d'une politique monétaire crédible et
efficace.
Quelles sont les innovations majeures de cette réforme et qu'est-ce qui va changer en ce qui concerne la BCEAO?
La réforme clarifie l'objectif de la politique monétaire menée par la
Banque Centrale. Désormais, tout comme la plupart des banques centrales
modernes, la BCEAO poursuit prioritairement un objectif de stabilité des
prix au sein de l'Union Monétaire Ouest Africaine. Sous réserve du
respect de cet objectif, la Banque Centrale apporte son soutien aux
politiques économiques de l'Union, en vue d'une croissance saine et
durable.
La Réforme consolide l'indépendance de la BCEAO et lui donne les moyens
de renforcer sa crédibilité et l'efficacité de son action. Ainsi, la
définition de la politique monétaire revient désormais à un organe
interne de la Banque Centrale, le Comité de Politique Monétaire, et non à
une instance politique comme auparavant. L'indépendance des organes de
la Banque Centrale et de leurs membres est tout aussi assurée.
Bien entendu, la grande autonomie dont bénéficie la Banque Centrale met à
sa charge de nouvelles obligations, notamment en matière de compte
rendu aux autorités, de transparence vis-à-vis du marché et
d'information du public. Dans cette perspective, la Banque Centrale
devra désormais communiquer clairement sur ses décisions et rendre
compte au public, aux acteurs du système financier et aux Etats des
résultats de son action. L'objectif est de faire comprendre aux agents
économiques, la cohérence des décisions prises, afin de leur permettre
de former leurs propres anticipations et prévisions, de la façon la plus
rationnelle possible.
La réforme consacre également une meilleure répartition des rôles et responsabilités entre les différents organes de l'UMOA et de la BCEAO. Comment se fera dorénavant cette répartition des rôles ?
Nous avons d'abord la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement,
qui définit les grandes orientations de la politique de l'UMOA. Ensuite,
vient le Conseil des Ministres, qui assure le suivi de la mise en
oeuvre des orientations et décisions de la Conférence des Chefs d'Etat
et de Gouvernement ainsi que la définition de l'environnement
réglementaire de l'activité du système bancaire et financier et de la
politique de change de l'UMOA. Sur ce dernier point, le Conseil est
assisté par un Comité de Change.
Nous aurons désormais un Comité de Politique Monétaire (CPM), organe
nouvellement créé, avec pour attribution la formulation de la politique
monétaire. Cette mission était auparavant partagée entre le Conseil des
Ministres et le Conseil d'Administration. Quant au Gouverneur, il met en
oeuvre en tant qu'organe, la politique monétaire et assure la direction
de la BCEAO. Le Conseil d'Administration, dans sa nouvelle formule, a
en charge les questions relatives à la gestion de l'Institut d'émission
en tant qu'entreprise. Il est assisté par un nouvel organe, le Comité
d'Audit.
Une autre innovation importante à souligner, c'est le remplacement dans
chaque Etat, du Comité National du Crédit par un Conseil National du
Crédit. Ce conseil est un organe consultatif, dans lequel les
principales associations ou groupements socioprofessionnels font leur
entrée. Il émet des avis et recommandations sur les conditions de
fonctionnement du système bancaire, ce qui va permettre une meilleure
prise en compte des préoccupations des opérateurs économiques, dans la
formulation et la mise en œuvre de la politique monétaire.
Comment expliquer le fait que la stabilité des prix soit désormais l'objectif principal de la politique monétaire de la BCEAO ?
La stabilité des prix un objectif assigné aujourd'hui à la plupart des
banques centrales modernes , et qui découle de l'observation des faits
économiques. Il est ainsi apparu qu'à long terme, une inflation trop
forte entrave la croissance. En effet, la hausse des prix se traduit par
une érosion de la valeur de la monnaie (et donc du pouvoir d'achat des
populations), et accroît l'incertitude quant à l'évolution future des
prix, rendant plus difficile la prise de décision en matière de
consommation, d'épargne et d'investissement.
A l'inverse, le maintien d'un taux d'inflation faible et stable favorise
un climat propice à l'investissement et à la création d'emplois. Dans
un environnement d'inflation faible et stable, les consommateurs et les
entreprises sont davantage en mesure de promouvoir des projets à long
terme, puisqu'ils ont plus d'assurance sur la stabilité de la valeur de
la monnaie, et partant, du pouvoir d'achat et des gains attendus. La
stabilité des prix crée ainsi les conditions d'une croissance économique
saine et durable.
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